Le retour de Ségolène Royal sur la scène nationale date du 30 mai, quand elle déclare sur France 5 qu'elle est prête à " faire le sacrifice d'une ambition personnelle et faire gagner la gauche " lors de l'élection présidentielle de 2012.
Chez les militants de base que nous sommes, les doutes installés par de trop longs silences se cristallisent. " Vous croyez qu'elle pourrait ne pas y aller ?" Même certains militants de DA 92 se mettent à partir en vrille. C’est tout dire.
Ils ne comprennent pas que le parti puisse mépriser les royalistes tout en piochant dans le pacte présidentiel de 2007 que SR a construit et porté. Dans lequel le projet socialiste actuel trouve nombre de ses origines, et qu’il a adopté : la mise en place d'une réelle démocratie participative, les primaires, le non-cumul des mandats, ou la sécurité et l'ordre juste.
Puis elle a retrouvé le ton juste à La Rochelle et à Antenne 2. Au niveau national, nous étions tombés à 7 000 adhérents en 2009 mais, nous sommes remontés à plus de 10 000 aujourd'hui. J’ai le N° 6120. Avec les réseaux sociaux, on peut accélérer cette dynamique quand Ségolène le souhaitera. Nous, les comités locaux sereinement reformés, redeviendrons alors ses ambassadeurs pour nos (et ses) désirs d’avenir.
A Arcueil le 18 Septembre, elle orchestrait son grand retour. Le lieu pour la 3ème Fête de la fraternité, à Arcueil dans le Val-de-Marne, n’était pas forcément le mieux choisi pour une réunion politique, ni l’organisation, idéale. Mais elle avait décidé de tourner la page du Zénith où, en septembre 2008, l'ancienne candidate, en tunique et jeans, chevelure au vent s’était laissé tenter par le show politique à l'américaine pour prendre ses distances avec le Parti socialiste et rivaliser avec un président encore populaire.
L’essentiel de cette journée d’Arcueil s’inscrit dans la stratégie du retour. Au rayon des symboles de cette réunion, on retiendra bien sûr l'affiche: la présence des anciens compagnons de route Arnaud Montebourg, Manuel Valls, Jean-Pierre Mignard, Pierre Bergé. Pour l’aspect unitaire, Martine Aubry avait envoyé Claude Bartolone manger son chapeau après avoir joué le tonton flingueur à l'encontre de l'ancienne candidate. Il y avait même Mélanchon en invité surprise.
Ne doutons pas ; ce retour, après sa légitime période régionale et ce repositionnement national ne doivent rien au hasard. " Elle les mûrissait depuis longtemps. Et elle a pris, seule, la décision de l'annoncer publiquement. C'est toujours elle qui décide, et qui surtout décide du moment ».
Les principales leçons de sa longue réflexion me paraissent être les suivantes:
1) LA DECOMPOSITION DE LA PRESIDENCE SARKOZY OBLIGE LA GAUCHE A ELEVER LE NIVEAU DU DEBAT
La France "est en de mauvaises mains, elle est martyrisée par un gouvernement manipulateur. C'est bien la politique de ce dernier qui injurie, blesse, outrage et humilie la France", dit-elle, reprenant ainsi un thème cher à son ex.
Il y a un épuisement de la présidence Sarkozy. Après trois ans d'annonces azimutées, de réformes bâclées, et d’agitations permanentes, les résultats ne sont pas au rendez-vous, le pays a perdu confiance, et juge sa méthode incohérente. L'Etat n'est plus maîtrisé, comme si l'hypercentralisation et la personnalisation du pouvoir ne parvenaient plus à prendre en compte la complexité des problèmes rencontrés, d'où une perpétuelle fuite en avant avec l'ouverture de conflits sur la scène intérieure mais aussi européenne ! Les Roms, le matamore à Bruxelles, nous faire peur avec de nouveaux attentats, intox qui sème encore un peu plus le doute sur ses compétences. Inconstitutionnalités, irresponsabilité. Situation ubuesque du ministre du travail qui ne sait plus s'il doit parler du dossier dont il a la charge ou des suspicions dont il est chargé dans le cadre d'une enquête judiciaire ! L'affaiblissement de l'Etat, les blessures infligées à la République, l'abaissement du Parlement, les affaires ne sont jamais bons pour la démocratie. Si la gauche escomptait retrouver le pouvoir grâce à ce climat, ce serait dans les pires conditions. La décomposition de la majorité nous oblige à élever le niveau et à préparer plus vite que nous ne l'avions prévu l'alternative. Il ne faut plus seulement dénoncer le constat de la République abîmée, ajouter des arguments à l'antisarkozysme, il faut ouvrir un autre chemin, offrir un espoir au pays, il faut nous projeter dans la France de 2012 ". Entrer dans une phase de propositions, pas des " promesses abstraites ", mais du " concret ", comme celles mises en pratique dans sa région de Poitou-Charentes. |
2) LA SÉCURITÉ, "UNE VALEUR UNIVERSELLE"
La sécurité est "une valeur universelle, qui appartient à tout le monde.". L'expression est devenue slogan qui veut incarner le virage dogmatique du PS à ce sujet. "Il n'y a plus de laxistes" dans le parti sur la question, dit Manuel Valls.
Fustigeant la plupart des propositions sécuritaires de Sarkozy, dont, en référence aux Roms,"les mises en scène indignes des migrations de la misère" - SR évoque les siennes, sur l’ordre juste ou l'encadrement militaire des jeunes délinquants qui lui avait valu son premier succès lors des primaires de 2006.
"C’'est une faute de penser que le thème de la sécurité est de droite. La preuve c'est que la droite échoue."
Pour en finir avec la gêne du PS en la matière, elle "propose de dire que la sécurité fait partie de la question sociale, puisque ceux qui souffrent de l'insécurité au quotidien – dans les quartiers, dans les transports, à l'école – sont aussi ceux qui souffrent de la précarité économique et sociale".
3) UNITE - «JE TE SALUE CHALEUREUSEMENT, MARTINE, ET TOUTE L'EQUIPE QUI T'ENTOURE »
Résolument tournée vers l’offensive, SR veut cependant agir dans le cadre de l'unité prônée par Martine Aubry.
Ce rapprochement est une nouvelle séquence politique. Au moins, personne ne dit plus qu'elle peut être candidate en dehors du PS. Les relations entre Martine Aubry et SR Royal sont plus simples et directes. Il n'y a pas de victoire possible sans le rassemblement de l'ensemble des socialistes et des grandes figures du parti. "Les gens ne nous pardonneraient pas de nouvelles divisions"
Des mots d’apaisement pour calmer le début de fièvre après la parution du livre Petits meurtres entre camarades, de Revault d’Allonnes, sorti fin août, qui rapporte des propos moins unitaires tenus en juin par l'ex-candidate: "Si je pense que le projet est ingagnable, notamment avec les questions de sécurité sur lesquelles le PS a toujours été un peu mal à l'aise, ou s'il est totalement déconnecté de la réalité, je prendrai sans doute mes responsabilités", et dans lequel Martine Aubry affirme qu'elle décidera ou non si elle est candidate aux primaires socialistes avant le début 2011.
Réaffirmant son appel à l'unité lors de l'université d'été du PS à La Rochelle, elle a déclaré: "Unis nous demeurerons. Nous serons ensemble en dépit de toutes les tentatives pour nous diviser". SR promet l'"union" des socialistes pour 2012, assurant que le candidat ou la candidate qui portera "l'alternance" serait "soutenu(e) par tous les autres".
Longtemps une gageure au PS, le terme est cette année devenu une consigne impérative. En descendant de la tribune, SR a d'ailleurs embrassé Martine Aubry, qui a salué son discours. Elles se voient boulevard Raspail presque chaque mois en tête-à-tête. C'est le couple surprise de l'année : la première secrétaire du PS et la candidate de 2007 ne cessent d'afficher leurs accords. Jusqu'à quand ? Leur animosité était si grande, leur détestation si forte, leur rivalité si cruelle, que la réconciliation garde un soupçon d'improbable. Mais Il n'y a pas de victoire possible sans unité.
Faisons leur crédit. Attentivement.
Quand Emmanuelli et Hamon participent à un rassemblement au côté de Besancenot on voit ce qui peut les unir dans une commune protestation, mais le seul rassemblement qui compte, c'est celui de la gauche qui veut gouverner. "Nous savons que chaque fois que les socialistes sont unis, nos voix sont plus puissantes que celles de toute la droite et de ceux qui se coalisent autour."
4) RESPECT
En opposition à la présidence de Sarkozy, SR entend promouvoir le thème du « respect.» A la Fête de la fraternité, elle a lancé un appel " résister et redresser la France ".
Respect : le mot est lâché. Respect des valeurs de la République et respect dû à la République. La République, c'est à la fois le progrès et l'égalité. Un progrès, pas seulement économique, social, mais humain, écologique et qui affirme la nécessité d'une production de richesses, de biens, de services. Aujourd'hui, la possibilité même du progrès est en cause. Il faut la réhabiliter. L'autre vecteur, c'est l'égalité, là se situe la confrontation idéologique et intellectuelle avec la droite. L'égalité, c'est finalement ce qui a manqué à la présidence Sarkozy, dans tous ses choix - fiscalité, éducation, retraites. Il faut donc revenir au récit de la République pour retrouver le rêve français, celui qui donne à chaque génération la perspective de vivre mieux que la précédente. Les militants de DA reprendraient bien un peu d' »ordre juste »
5) L'HEURE N'EST PAS AU CHOIX DU CANDIDAT
Concernant son éventuelle candidature à la présidence en 2012, SR est désireuse de calmer le jeu et de souscrire à la volonté d'unité qu'affichent les socialistes. Mais, alors qu'elle avait un temps expliqué qu'elle ne se présenterait pas contre Martine Aubry ou Dominique Strauss-Kahn, elle n'exclut désormais rien, et assure qu'elle "prendra sa décision quand le moment sera venu". "Pour le moment l'heure est au travail collectif autour du projet", ajoute-t-elle. Interrogée sur le fait d'être "plus isolée qu'avant", elle "rappelle que 50 % des militants ont voté pour elle au congrès alors que, déjà, on la disait isolée". Contrairement à ses habitudes, SR sera présente tout au long des trois journées d'université d'été socialiste. Assagie, SR n'a renoncé à rien et cultive sa singularité
Si elle n’a pas encore conquis tous les soutiens auprès des responsables socialistes, Ségolène peut faire appel à nous à tout moment, son fidèle réseau de militants. Elle revendique aussi un lien particulier avec les Français, notamment avec les milieux populaires et la banlieue, et « veux être la porte-parole des sans-voix ».
" Tout reste ouvert pour la présidentielle: Ses atouts ? Elle a une force de synthèse naturelle qui rassemble des altermondialistes aux centristes, une conception très orthodoxe de l'économie qui rassure les entrepreneurs, et une capacité, par ses intuitions, à faire bouger les lignes, comme par exemple sur la sécurité ou la taxe carbone. Il faut qu'elle ne s'exprime que sur le fond dans l'année qui vient. " dit Jean Louis Bianco.
SR veut incarner " la force tranquille " de François Mitterrand. Elle n’est pas encore en recherche d'alliés, mais elle peaufine son statut d'opposante ou de candidate. SR serait donc la meilleure candidate au PS ? Elle est en tous les cas la seule socialiste à avoir un acquis présidentiel. Elle a fait la preuve qu'elle est capable de mener une dure campagne présidentielle. |
SR se laisse le champ ouvert, tout en rêvant à voix haute de concourir à nouveau. "J'ai l'envie", confiait-elle dans les couloirs de La Rochelle, en écho aux manques d'appétence de certains de ses rivaux.
Qui de Martine Aubry ou de SR est le chef au PS ? "Martine Aubry est notre première secrétaire" et "il y a des responsables politiques qui s'expriment et qui s'expriment en parfaite harmonie". "Si vous rêvez d'une division des socialistes, vous n'aurez pas satisfaction. La gravité de la situation que subissent les Français, la certitude que le travail que nous accomplissons est juste et correspond à ce dont la France a besoin (...) la nécessité de débarrasser la France du pouvoir corrompu qu'elle subit aujourd'hui, tout cela nous rend graves, nous donne le sens des responsabilités".
Le PS doit hiérarchiser rapidement ses priorités et à négocier un accord de gouvernement avec ses partenaires avant le premier tour de la présidentielle. Nous devons montrer de la crédibilité et de l'autorité dans l'affirmation d'une alternance qui nous tend les bras si nous savons la saisir.
NB : Très larges extraits empruntés aux derniers articles du « Monde »
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