Cumulards de tous les partis, ne craignez rien!
Avec l'élection de Rachida Dati, samedi à la mairie du VIIe arrondissement, la liste des ministres-maires (à temps très partiel) s'allonge. Nos élus se seront débrouillés, à l'occasion de ces élections municipales et cantonales, pour évacuer la question du cumul des mandats. Les députés Hollande, nouveau président de Corrèze, et Bayrou, candidat malheureux à la mairie de Pau, ont activement participé à ce discret enterrement.
Depuis plus de dix ans, toutes les enquêtes confirment pourtant que les Français sont contre ces pratiques : selon un sondage OpinionWay de février, les deux tiers des habitants des villes de plus de 10 000 habitants jugent que la candidature d'un ministre aux municipales "est une mauvaise chose".
Pour en finir avec cette "anomalie française" - l'expression est de Jack Lang -, Lionel Jospin avait interdit à ses ministres de rester maires. Après les élections municipales de 2001. Ils avaient été une douzaine à renoncer à leurs mairies. D'autres avaient choisi de quitter le gouvernement, comme Louis Besson, secrétaire d'État au logement, élu à Chambéry.
Sarkozy lui-même avait paru tenté d'appliquer cette jurisprudence, reprise par Balladur. Le 12 novembre dernier, dans sa "lettre d’orientation" adressée au Premier ministre, relative à la réforme des institutions, le chef de l'Etat écrit :
«Je suis favorable à la proposition du comité Balladur consistant à interdire le cumul d’une fonction ministérielle avec tout mandat électif, à tout le moins avec tout mandat exécutif».
Les ministres candidats, Wauquiez et Darcos en tête, ont aussitôt protesté qu'il n'iraient pas à la bataille sans l'assurance qu'on les laisserait cumuler en paix. Avec l'appui de Matignon, ils ont obtenu satisfaction.
Du cumul, ils ont même fait une argument de campagne:
Xavier Darcos a expliqué qu'il serait bien meilleur maire s''il restait ministre: "C'est absurde de croire que je serai plus efficace en restant tout le temps ici, sans être connu de personne à Paris. Un vrai maire, c'est un maire efficace."
Nathalie Kosciusko-Morizet a fait valoir qu'il était "plus facile d'être maire et ministre en même temps plutôt que salarié d'une entreprise" et que "les habitants de la banlieue, écrasés par Paris, avait besoin de soutien national".
Laurent Wauquiez a promis d'utiliser ses contacts parisiens pour résoudre les problèmes: "le nouveau patron de la SNCF, Guillaume Pépy, je le connais bien, ...je lui ai envoyé un petit mot pour lui dire qu'on aurait bientôt besoin de lui !"
Luc Chatel a passé sa campagne à expliquer que "s'il suffisait d'être maire à temps plein pour être efficace, ça se saurait". Et qu'il fallait plutôt des maires capables de "faire rayonner davantage leur ville".
Egalement servi par Rama Yade et Jean-Marie Bockel, l'argument n'a pas prouvé son efficacité électorale, bien au contraire. La campagne des candidats de gauche contre ces ministres-maires qu'on ne voit que le week-end a rendu possible la défaite de Xavier Darcos. A quelques dizaines de voix près, elle a failli causer celles de Bockel et Kosciusko-Morizet.
Quant à Wauquiez et Chatel, les deux jeunes miraculés du premier tour, ils ont labouré le terrain en jurant fidélité à leurs provinces. Suggérant qu'à Paris, ils n'étaient, somme toute, que de modestes secrétaires d'Etat.
Libé
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